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    Maire d'un village sans habitant, martyre de la Première Guerre mondiale

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      • <time data-ago="il y a 17 heures" data-original=" le 12/03/2014 à 16:05" datetime="2014-03-12T16:05:59+01:00" itemprop="datePublished"></time>
    <figure class="fig-photo"> Jean-Pierre Laparra, en 2008.<figcaption class="fig-media-legende" itemprop="description">

     

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    Des communes du nord-est de la France détruites pendant l'offensive allemande ont conservé leur maire, même en l'absence de bâtiment et de population.

     
     

    Le maire de Fleury-devant-Douaumont ne fera jamais campagne. Il sera, pourtant, sans doute reconduit dans ses fonctions. Jean-Pierre Laparra est un maire un peu particulier: il n'a pas d'électeurs. Tous les habitants de sa commune ont déserté les lieux il y a près d'un siècle, pendant la Première Guerre mondiale.

    «J'attends sereinement le mois de mars», explique Jean-Pierre Laparra, à propos de la prochaine échéance électorale. Il n'aura pas à faire face au verdict des urnes, mais à celui d'une personne: la préfète de la Meuse. «Pour être reconduit dans nos fonctions, nous devons justifier de l'activités, des travaux effectués sur notre commune et de l'utilisation du budget», explique-t-il. Pas de programme, mais une lettre de motivation. Ils sont cinq autres comme lui, à être maire d'une commune sans administrés, héritiers d'une histoire en partie oubliée: celle des villes détruites pendant la Première Guerre mondiale.

    En 1914, Fleury, petite commune de la Meuse, compte 420 habitants. C'est ce que l'on appelle un village-rue, construit le long d'une voie principale. Depuis la fin du XIXe, le village connaît un certain dynamisme: des ouvriers de toute la France viennent prêter main-forte à la construction d'une série de forts autour de Verdun. Ils font vivre les petits commerces de la commune. Si Fleury est relativement épargnée au début de la guerre, la population est évacuée fin 1915. Le village est occupé par les soldats français. Les Allemands lancent alors une grande offensive: sur une bande de 5 km de large, 90.000 tonnes d'obus sont tirés de part et d'autre, le village change 16 fois de mains entre juin et septembre 1916. Il disparaît peu à peu. Après la guerre, il ne reste plus qu'un terrain lunaire, où seule la présence de quelques ruines permet de restituer l'endroit où s'élevait l'église.

    <figure class="fig-photo fig-media-full" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject"> Cette vue aérienne, datée de 1916, du fort de Douaumont, non loin de Fleury, donne une idée de l'état de la région.<figcaption class="fig-media-legende">

     

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    Ces zones dévastées, dont le sol regorge d'obus non explosés, sont placées en zone rouge: impossible d'y réimplanter la moindre activité. En 1919, pour gérer le patrimoine et les indemnités des personnes lésées, des commissions municipales sont mises en place. Avec le temps, les zones rouges ont peu à peu disparues. Les commissions municipales également: soit les terrains des communes ont pu être rebâtis et une municipalité traditionnelle mise en place, soit leur territoire a été rattaché à une autre, et ont ainsi disparu. Aujourd'hui, six subsistent (1), en France, toutes situées dans la Meuse, dont fait partie Fleury-devant-Douaumont.

    Dans les faits, ces maires ont quasiment toutes les attributions des autres. «Mon prédécesseur a même célébré un mariage», se souvient Jean-Pierre Laparra. À la différence de leurs collègues élus, ils ne font pas partie des grands électeurs appelés à désigner les membres du Sénat et ne peuvent parrainer un candidat aux présidentielles. Ils ne siègent pas dans la mairie: elle a été détruite pendant la guerre. C'est leur domicile personnel en qui en fait office. Dans les délibérations de la communauté de communes également, leur voix est particulière: «Je n'interviens pas sur les autres sujets que le tourisme, explique le maire de Fleury. J'ai mon avis, mais n'étant pas élu, je me range toujours du côté de la majorité.»

    <figure class="fig-photo fig-media-full" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject"> Aujourd'hui, les panneaux indiquent l'emplacement des rues de la ville disparue.<figcaption class="fig-media-legende">

     

    </figcaption></figure>

    C'est autant sa passion de l'histoire que l'histoire de sa famille qui a poussé ce dernier a devenir maire de Fleury-devant-Douaumont. «Mon arrière-grand-père et mon grand-père, ouvriers carriers dans les Charentes, sont venus s'y installer aux alentours de 1910.» Après la guerre, l'histoire de la famille y fut de nouveau liée: «Mon père est devenu membre de la commission municipale dans les années 1970, jusqu'en 2000. Je l'ai alors remplacé et suis devenu maire en 2008.»

    La période qui s'ouvre sera riche pour Fleury-devant-Douaumont et les autres communes de la région. «On sent déjà l'effet du centenaire de la Première Guerre mondiale: la fréquentation touristique est en hausse, et c'est sans doute un début. Pour nous, le moment le plus important se produira en 2016, pour les 100 ans de la destruction de nos communes.» Car, outre la fonction administrative, le plus important, pour ces maires, c'est de transmettre: «S'il n'y a plus de personnes ayant vécu cette période, il reste des témoins indirects, tels que moi, qui on pu les questionner, raconte Jean-Pierre Laparra. Il raconter comment des familles qui vivaient en paix et dans le calme ont été chassées et traumatisées par ce conflit. Nous sommes des passeurs de mémoire.»

    (1) Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre.


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