• Sonia, 40 ans, enseignante

    Votre porte-monnaie au rayon X

    Sonia, 40 ans, enseignante dans le privé, 1 140 euros par mois

    Sonia à Paris, le 9 mars 2011 (Joce Hue).

    « Vous avez votre carte professionnelle ? » Au seuil de sa porte, Sonia ne s'en laisse pas compter. Compter, pourtant, cette enseignante célibataire qui vit avec 1 139, 99 euros par mois sait faire : elle connaît le détail du budget qu'elle s'apprête à dévoiler à Eco89 sur le bout des doigts.

    La porte passée et la confiance instaurée, elle offre un thé, « le petit plaisir quand on rentre d'une journée de travail ». Sonia a des plaisirs simples, comme ses besoins. Elle reconnaît se serrer « la ceinture jusqu'à la fin du mois », mais les « bons plans » et la débrouille qui améliorent l'ordinaire sont pour elle monnaie courante.

    « Une paie au rabais, pas de vacances comme les autres… »

    Depuis trois ans, elle travaille dans un établissement privé pour enfants en difficulté du 93. Elle y enseigne le français, l'anglais, l'histoire-géo et les sciences, et fait aussi la surveillance de la cantine et de l'étude.

    Sonia a le statut « d'éducatrice scolaire », elle qui était auparavant pendant cinq ans professeure des écoles dans l'Education nationale. Ce statut signifie :

    « […] une paie au rabais, pas de vacances comme les autres enseignants [seulement cinq semaines, dont quatre à prendre obligatoirement en août, ndlr] et 35 heures de présence au collège par semaine, même quand il n'y a rien à faire… »

    Pas beaucoup plus de moyens, mais moins d'élèves

    Alors pourquoi être partie ? Enseignante en Zone d'éducation prioritaire (ZEP), elle était révoltée par le manque de moyens et les classes de 30 élèves. A la défaveur d'un souci de santé, elle est arrêtée pendant toute une année. A son retour, pas de poste pour elle. L'action intentée en justice qui donne raison à l'administration achève de la dégoûter du Public.

    C'est à ce moment qu'elle tombe sur cette proposition d'embauche. Le concept de l'école la séduit. Elle sait que c'est un sacrifice personnel, mais « qui dit école privée dit moyens ». D'autant que « c'est une petite structure. Idéal pour se faire la main ».

    Elle n'y trouve en fait que peu de moyens en plus, mais de petits effectifs tout de même : une dizaine d'élèves par classe, pour « travailler mieux ». Mais pour gagner moins : auparavant à 1 700 euros net à l'Education nationale, elle en gagne presque 600 de moins aujourd'hui…

    Psychologiquement et financièrement difficile

    Les élèves ont de 12 à 16 ans, souvent des laissés-pour-compte de l'enseignement classique. Certains n'ont pas de papiers, la plupart dépendent de l'aide sociale à l'enfance. Les sœurs de cet établissement catholique font un prix aux familles dans lesquelles il n'y a vraiment pas d'argent.

    Elle a pensé partir cette année, mais elle « reste pour eux ». « Pure Parisienne » comme elle se définit, Sonia a pourtant peut-être trouvé son ticket de sortie : tombée amoureuse du Pays basque il y a cinq ans, elle devrait s'y installer bientôt. Et même le faire découvrir à d'autres…

    « Il faut maintenant que je pense à moi… Mais les abandonner, ça va être dur ! »

    Revenus : 1 140 euros

    Sonia travaille 35 heures par semaine, et déplore que son salaire ne suive pas l'augmentation annuelle du Smic (1 070 euros depuis le 1er janvier).

    Dépenses : environ 1 100 euros

    Loyer : 530 euros charges comprises

    « Et il augmente sans cesse ! L'aide au logement de seulement 24 euros est déjà déduite. J'ai fait plusieurs demandes de logement HLM, et on m'a répondu que j'étais déjà riche avec mon salaire… »

    Electricité et gaz : 35,50 euros par mois

    Elle paye 56 euros pour EDF et 15 euros environ pour GDF tous les deux mois.

    « Alors que je suis très peu chez moi. Je viens de me rendre compte sur ma dernière facture d'électricité qu'ils prélèvent maintenant environ 14 euros de taxes diverses… »

    Assurance habitation : 12 euros par mois

    « Je n'ai rien de valeur… A part mes chats bien sûr ! Il faut se débrouiller : le meuble TV a été fabriqué par un ami et je récupère beaucoup de choses dans la rue (table, chaises…). Mon frigo a dix ans. Quand j'étais fonctionnaire, je pouvais me permettre d'acheter ce type de fournitures cash… Plus maintenant.
    Et les crédits à la consommation, c'est fini, je suis vaccinée ! Il faudrait vraiment que je sois prise à la gorge. J'ai découpé et jeté toutes mes cartes Sofinco il y a bien longtemps. Parce que soit on se débrouille, soit on n'achète pas. »

    Mutuelle : 53 euros

    Abonnement mobile : 25 euros

    Internet/TV/téléphone fixe : 39 euros

    Laverie : environ 30 euros par mois

    Sonia n'a pas de quoi acheter une machine à laver.

    Transports en commun : 56 euros par mois pour un Pass Navigo deux zones

    Redevance TV : 63 euros, soit 5,25 euros par mois

    Taxe d'habitation : 33 euros par mois (394 euros par an)

    « Alors que je n'en payais pas il y a deux ans, je dois maintenant m'acquitter de 394 euros de taxe d'habitation, pour un F1 dans le XXe ! Je trouve que le gouvernement actuel se débrouille très bien au niveau des tranches pour nous exclure des aides, nous fait payer plus et ramener de l'argent dans les caisses de l'Etat. »

    Impôt sur le revenu : 0 euro

    « Heureusement, je ne paie pas d'impôts pour l'instant. C'est déjà ça… »

    Animaux : environ 80 euros par mois

    Sonia possède deux chats, Cléo et Ukyo (10 et 11 ans), à qui il faut payer litière, croquettes, pâté, soins… « Mais pas de frais de vaccins, puisqu'ils ne sortent jamais. »

    Cantine : 0 euro

    « Je ne paie pas la cantine scolaire. Encore heureux, vu mon salaire et les menus de l'école à base de riz et de patates ! »

    Alimentation et courses : environ 200 euros

    « Il me reste donc environ 200 euros pour me nourrir (150 euros par mois), acheter des produits d'hygiène et d'entretien de la maison… »

    Epargne : 0 euro

    « Même quand j'essaie de mettre un simple billet de côté, ça ne dure jamais bien longtemps parce qu'il y a toujours quelque chose à payer. »

    Loisirs : presque rien

    « Je m'autorise un ou deux verres le week-end au pub pour voir les amis et les matchs de rugby, et un pique-nique de temps en temps aux beaux jours. Je faisais auparavant deux restos dans le mois, ce que je ne peux plus faire. Je ne fais pas de shopping, je n'achète des habits qu'en cas de nécessité.

    Je faisais du sport, mais même aller à la piscine me revient cher désormais. Pas de ciné, plus de théâtre… Sauf lorsque j'ai des invitations, toujours par magouille. Et quand je trouve des places pas chères, pour de petits humoristes peu connus ou sur des sites comme BilletReduc.com. »

    Les vacances et les week-ends ? Pas les moyens :

    « Je m'autorise une fois par an une semaine dans le sud-ouest grâce à la prime pour l'emploi (700 à 800 euros). Pour les billets, c'est soit très longtemps à l'avance, soit avec des sites de troc de billets de train. »

    Seul sacrifice à son budget : un MacBook acheté il y a quatre ans avec 20% de réduction. « Cela fait quinze ans que j'adore l'informatique. Pour moi, c'est impossible de vivre sans ! »

    Avec son petit salaire et son budget ultra-serré, Sonia voit l'avenir en noir :

    « Depuis quelques temps, je me rends compte que plus ça va et plus c'est difficile de s'en sortir seule avec un salaire au Smic et autant de choses à payer… Les impôts, le prix des soins augmentent. Le prix des denrées de base aussi, les aides au logement et autres diminuent… J'en arrive même, malgré la mutuelle, à ne pas aller chez le médecin car il faut faire face pour avancer l'argent dans certains cas et aussi se retrouver avec des remboursements moindres, à cause des franchises diverses soins/médecins/médicaments… »

    A tel point que Sonia se demande comment elle va s'en sortir :

    « La seule solution : trouver un autre emploi mieux payé, mais comme tout le monde le sait, ça ne se trouve pas non plus en claquant des doigts, surtout à notre époque.

    Mon rêve étant de partir vivre et travailler dans le sud-ouest, je viens de créer ma propre société de séjours dans le Pays basque, Ocean & Sun, en tant qu'autoentrepreneur, lancée officiellement en mars 2011. Les dés sont jetés ! »

    Encore des combines : un ami développeur a crée son site internet et un autre infographiste lui a fait un logo, gratis.

    Sonia aime « changer souvent » et ne s'inquiète pas trop de l'avenir : « On verra bien si ça marche ! » De toute façon, elle « peut tout faire, sauf revenir dans le public ». Son passé d'enseignante à l'Education nationale est définitivement soldé.


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