• Pourquoi on a du mal à prendre soin de soi

    Pourquoi on a du mal à prendre soin de soi

    Se détendre, bien manger, prendre le temps de lire, se faire masser… Nous savons tous que notre bien-être dépend de notre capacité à nous traiter avec douceur et bienveillance. Mais de la théorie à la pratique, il y a un pas, parfois très difficile à franchir.

    Flavia Mazelin-Salvi

     
     

    On s’identifie trop à son corps

    « Il y a deux façons de vivre son corps, explique le psychanalyste J.-D. Nasio. Soit en l’oubliant, et là j’identifie mon corps à mon être et je me dis que “je suis mon corps” ; soit en pensant à lui, et là je tiens mon corps pour mon bien le plus précieux, et je me dis que “j’ai un corps”. »

    Plus concrètement, cela signifie que lorsque nous ne faisons qu’un avec notre corps, nous ne pouvons pas nous dédoubler, et donc le prendre comme objet de soins. En revanche, si nous avons conscience d’avoir un corps, un « maître souverain », comme le définit le psychanalyste, qui a le pouvoir de prolonger ou d’arrêter notre vie, alors nous pouvons le traiter avec tous les égards qu’il mérite.

    Mais prendre soin de soi n’est pas seulement une affaire entre soi et soi. Pour Robert Neuburger, psychiatre et psychothérapeute (auteur, notamment, des Territoires de l’intime, Odile Jacob, 2000), cette démarche n’a de sens que dans le cadre d’une relation. « L’être humain ne peut pas “se faire exister” par lui-même, il ne peut pas se passer de l’autre. C’est pourquoi on prend soin de soi non pour soi, mais en fonction du regard des autres. Pour préserver une appartenance. »

    Si l’on ne se sent pas assez important, si l’on doute de sa valeur, si l’on n’a pas trouvé sa place, prendre soin de soi n’a pas de sens. « Après mon divorce, je me trouvais moche, sans intérêt, se souvient Agnès, 44 ans. Prendre soin de moi à cette époque, ça voulait dire aller chez le coiffeur pour que ma fille ait quand même une image positive de sa mère. C’est aussi pour elle que je mettais du rouge à lèvres. »


    On a trop écouté papa et maman

    Si du regard des autres dépend le regard que nous posons sur nous, c’est le regard parental qui, le premier, nous permet de développer une relation bienveillante – ou non – avec notre corps. « Savoir s’occuper de soi ou se négliger dépend à la fois de notre histoire personnelle et de notre éducation, analyse la psychothérapeute Michèle Freud (auteur de Mincir et se réconcilier avec soi, Albin Michel, 2003). La perception de soi est façonnée par des mots, des gestes et des regards perçus dans l’enfance.

    Si cette expérience a été satisfaisante, nous pourrons construire une image saine de notre corps et une bonne estime de soi. Si ce n’est pas le cas, la relation au corps sera plus difficile, et on préférera oublier ce mal-aimé de différentes manières : mauvaise nourriture, surmenage, absence d’hygiène de vie, etc. »

    A ces données de départ, souligne Michèle Freud, viennent s’ajouter les messages positifs ou négatifs transmis par notre éducation. « Ce conditionnement détermine nos comportements : ne pas oser prendre du temps pour soi sans culpabilité, considérer que s’occuper de soi est une perte de temps, une preuve d’égoïsme, associer repos et paresse… » Toutes ces croyances, plus ou moins conscientes, peuvent nous rendre sourds à nos besoins et freiner notre aspiration au mieux-être.

    Evelyne, 36 ans, pose un regard à la fois envieux et un peu méprisant sur « celles qui se chouchoutent comme dans les magazines féminins ». « Des masques, des massages, du yoga…, quand travaillent-elles ? Je gère une entreprise d’informatique de vingt personnes, j’ai deux enfants, je n’ai vraiment pas le temps de me dorloter ! » Mais Evelyne n’est aveugle ni sur son histoire, ni sur la façon dont elle a dû s’imposer dans un milieu très masculin. Son père, ex-chef d’entreprise, l’a toujours considérée comme son « héritier ».

    « Pas “héritière”, précise-t-elle en souriant. Chez nous, la valeur absolue, c’est le travail et la réussite sociale. Quand mes copines se pomponnaient pour faire la fête, je bossais pour préparer mon master aux Etats-Unis. Inutile de dire que le maquillage et les fringues, c’étaient les cadets de mes soucis ! Aujourd’hui pourtant, j’aimerais être plus douce avec moi, plus sensible et moins cérébrale, mais c’est trop tard, les mauvaises habitudes sont prises ! »


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