• pourquoi les régimes font grossir

     


     

    Pourquoi les régimes nous font grossir

    80 à 95 % des gens qui perdent du poids le reprennent dans les cinq ans. La raison ? L’hypercontrôle alimentaire et mental que la plupart des méthodes amaigrissantes imposent. Le psychiatre Gérard Apfeldorfer dénonce cet engrenage.

    Gérard Apfeldorfer

     

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    Maigrir est difficile, mais à la portée de beaucoup d’entre nous. Maigrir sans regrossir, c’est une autre paire de manches ! En réalité, 75 % des personnes qui désirent perdre du poids y réussissent dans les premiers mois, mais 80 à 95 % auront tout repris, voire plus, quelques années plus tard. A tel point qu’on peut se demander si faire des régimes est bien raisonnable. C’est finalement la conclusion à laquelle Isabelle, 42 ans, cadre de banque et experte en méthodes amaigrissantes, est arrivée : " Faire un régime, c’est modifier son physique et son mental de fond en comble. Une tâche qu’on sous-estime. " Vrai. D’un point de vue biologique, il faut d’abord tenir en échec les mécanismes naturels de régulation du poids, un système neurohormonal qui s’emploie à protéger les réserves de graisses de toute dilapidation inconsidérée. Mais, si nous sommes gros, c’est aussi souvent parce que nous faisons appel à la nourriture pour tenter de régler des difficultés psychologiques auxquelles nous ne savons pas faire face. Cesser de répondre à ses envies de manger, c’est donc se retrouver sans défense face à des pensées et émotions déplaisantes ; ou bien être confronté à des problèmes relationnels et affectifs qu’on est incapable de gérer.

     

    C’est pourquoi, pour maigrir, on se met dans un état mental particulier : on fait abstraction de ses sensations physiques de faim et de rassasiement, ainsi que de l’appétence exacerbée pour les aliments les plus caloriques – les meilleurs au goût quand on a faim. Pour y parvenir, on encadre son alimentation de règles strictes, on se raconte des histoires à la limite du délire : les yaourts à 0 % de matière grasse seraient plus savoureux que les vrais, on ne connaîtrait rien de meilleur que les endives à l’eau, etc. On se doit aussi d’oublier tout ce qui pourrait nous faire perdre le contrôle – angoisses, chagrins, soucis, etc. – pour ne plus penser qu’à une chose : maigrir. Cette mobilisation générale autour d’une seule idée visant à occuper tout l’espace mental a été décrite, au milieu des années 70, par deux chercheurs américains, Peter C. Herman et Janet Polivy, sous le nom de " restriction cognitive ".

    L’hypercontrôle : un état mental fragile

    En pratique, cet hypercontrôle alimentaire et mental est souvent débordé : il suffit de se laisser tenter par une petite quantité d’aliment interdit pour sombrer corps et âme dans la perte de contrôle et manger sans frein. Puis viennent la culpabilité et le rétablissement de l’hypercontrôle : la chair est faible, on a fauté. Pour expier, serrons-nous la vis encore un peu plus ! Un effet de transgression de l’interdit (ou " abstinence violation effect "), typique de l’état de restriction cognitive.

    Herman et Polivy ont repéré une multitude de situations qui nous font basculer dans la compulsion alimentaire : les émotions – joie, colère, tristesse – ; la déprime ; le stress ; mais aussi des événements anodins comme une sensation d’inconfort physique ou psychologique – fatigue due à un rhume, arrivée des règles, dîner entre amis avec une petite consommation d’alcool, etc. Autant d’exemples qui suffisent à nous désinhiber et nous faire plonger.

    Des mécanismes voués à l’échec

    Toutes sortes de régimes et de méthodes amaigrissantes s’emploient à nous soutenir dans ce travail de Sisyphe : maintenir sans faille l’état de restriction cognitive. Ce qu’ils nous proposent, en fait, ce sont des mécanismes de défense pour nous protéger de nos désirs alimentaires. Des mécanismes voués d’avance à l’échec. Nous faisant miroiter une minceur toute temporaire, ils nous incitent à renforcer encore et toujours l’hypercontrôle… jusqu’à l’effondrement final et la reprise des kilos !

    On s’identifie à un gourou Une première méthode consiste à s’identifier à un gourou amaigrisseur, un médecin, ou à des personnes qui sont parvenues à perdre du poids. " J’ai eu confiance dans le régime Montignac parce que c’était un type dans mon genre, qui mangeait au restaurant un peu trop souvent et qui a lui-même connu des problèmes de tour de taille ", nous dit Jean-Marc, 34 ans, ingénieur technico-commercial. Même raisonnement pour Claire, 26 ans, secrétaire trilingue, qui s’enthousiasme pour le régime hyperprotidique du docteur Peltriaux : " Selon lui, cette méthode a marché avec Jean-Pierre Foucault, Isabelle Adjani et Yves Rénier. Alors, pourquoi pas avec moi ? Et effectivement, ça marche super bien : j’ai déjà perdu cinq kilos en deux semaines et je n’ai pas faim. C’est facile : j’avale les sachets et je ne pense pas à manger. "

    Isabelle, 45 ans, a choisi une autre stratégie : " J’en suis revenue des régimes miracles. On maigrit, mais après, on reprend plus qu’on n’a perdu. Cette fois, je suis allée voir un médecin nutritionniste réputé, un type sérieux, bardé de diplômes. Avec lui, j’ai tout de suite senti que le courant passait. Désormais, je mange équilibré. Chaque fois que j’ai envie de manger quelque chose qu’il ne faut pas, je pense à lui et je me demande ce qu’il me dirait. Il ne serait pas content, ou peut-être que cela lui ferait de la peine de voir que je sabote son régime. Ça me permet de tenir


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