• un geste qui rentre dans le cadre d'un délire

    «Un geste qui rentre dans le cadre d'un délire»

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    Par Anne Jouan
    22/04/2011 | Mise à jour : 16:59
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    INTERVIEW - Alors que Xavier Dupont de Ligonnès est devenu le suspect numéro 1 du drame de Nantes, le Dr Xavier Laqueille, psychiatre et chef de service à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, envisage l'hypothèse d'un «homicide altruiste».

    LE FIGARO : Dans l'hypothèse où c'est bien le père de famille qui serait l'auteur du drame de Nantes, comment expliquer un tel passage à l'acte ?

    Dr Xavier LAQUEILLE : Au vu des éléments publiés dans la presse, et avec la grande réserve d'une absence d'examen clinique, on peut dire que nous ne sommes pas en face d'un acte moralement répréhensible, mais semble-t-il, d'un passage à l'acte entrant dans le cadre d'un trouble d'allure délirante - le suspect aurait confié travailler pour les services secrets -. Les passages à l'actes criminels sont habituellement sous-tendus par une conviction délirante.

    Qu'est-ce qu'un acte hallucinatoire ?

    C'est un geste qui rentre dans le cadre d'un délire. Typiquement, le sujet pense qu'il est persécuté, par exemple par des services secrets. Dans sa logique, son acte constitue une réponse à l'agression dont il se croit victime.

    Je me souviens d'un patient qui était persuadé être poursuivi par les renseignements algériens. Il se promenait de ville en ville en se cachant, persuadé d'être suivi. Dans la rue, il croyait que tout le monde le regardait. Quand il croisait le regard d'un Algérien, son sentiment de persécution se renforçait et l'angoisse montait. Il avait tellement la conviction d'être persécuté qu'il avait même fini par acheter une arme à feu. Pour se défendre au cas où. Puis un jour, de manière complètement hallucinatoire, il a entendu un coup de feu. Dans le contexte d'angoisse qui était le sien, il s'est retourné et trois personnes étaient derrière lui. Persuadé que ce bruit imaginaire provenait d'elles, il leur a tiré dessus. Il a tué la première, blessé la seconde et raté la troisième.

    Le passage à l'acte se fait donc sous l'effet d'un trouble mental qui, d'un point de vue psychiatrique ne fait que répondre à un délire.

    Oui, mais dans le cas de Nantes, le suspect connaissait vraisemblablement ses victimes…

    Il s'agit de ce que nous appelons un homicide altruiste. Le sujet qui a un délire dépressif tue tous ses proches car il estime que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Donc de son point de vue, il les soulage, il leur rend service. Et, en général, il essaie de se suicider ensuite. Parfois, il a un sursaut au dernier moment et il n'y arrive pas.

    Cette famille était catholique, très pratiquante. Comment expliquer un tel geste dans ce type de milieu ?

    Il n'y a absolument aucun lien ! Autrement dit, le fait d'être catholique pratiquant, comme pour toute opinion ou option de vie, ne protège pas spécialement des pathologies mentales.

    Cependant, on peut dire que généralement, les personnes croyantes sont moins dans le passage à l'acte que les autres. Mais quand le délire est très important, les choses sont différentes. On est alors dans un contexte d'ordre psychiatrique où la morale n'a plus sa place.

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