Déjà dans la rue il y a huit jours, à Roubaix (Nord), les salariés de La Redoute avaient raison de craindre de la casse sociale : au moins 700 suppressions d’emplois ont été annoncées hier aux syndicats par le groupe Kering (ex-PPR, Pinault-Printemps-Redoute), qui cherche à céder la vieille dame de la vente à distance. «Le directeur financier de Kering nous a dit qu’on serait, a minima, à l’équivalent des suppressions de postes du plan social de 2008», soit 672, a déclaré à l’AFP Jean-Claude Blanquart, délégué CFDT. A l’époque, l’entreprise comptait 5 000 salariés. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 2 400 en France et 900 à l’étranger.
Choc. Joint par téléphone, Jean-Christophe Leroy, le délégué CGT, est sous le choc : «La cession de La Redoute pour 1 euro symbolique est en projet depuis plusieurs mois. Mais au fil des réunions, les annonces du groupe Kering n’ont cessé de varier. Après nous avoir assuré que La Redoute ne serait pas démantelée, la direction nous a informés aujourd’hui de la filialisation de la logistique - 1 400 emplois à Wattrelos - et de l’externalisation du service relations clients - 180 emplois).» De quoi attiser l’angoisse du personnel, déjà très inquiet de ne pas savoir entre quelles mains il va atterrir.
Au siège de Kering, où s’achève le recentrage sur le luxe (autour de marques comme Gucci ou Saint Laurent), on se borne à évoquer trois repreneurs potentiels, sans mentionner de noms. Selon Challenges, le groupe de François-Henri Pinault serait en discussion avec Altarea Cogedim - qui a déjà racheté le site de vente Rue du Commerce -, ainsi qu’avec le fonds d’investissement OpCapita. Ce fonds basé à Londres s’est illustré en rachetant au groupe Darty l’enseigne anglaise Comet, avant de la liquider en 2012 dans des conditions apparemment douteuses… Chose certaine, la vente de La Redoute ne devrait rien rapporter à Kering. Pas plus que la Fnac, introduite en Bourse en juin, faute de repreneur.
La Redoute, entreprise jadis florissante, a mal pris le virage du e-commerce. Le chiffre d’affaires du vépéciste s’est effondré de plus d’un tiers depuis 2008, pour tomber autour du milliard d’euros, et ses résultats accusent une cinquantaine de millions de pertes chaque année. La mariée est donc si peu attrayante et requiert une telle modernisation que Kering pourrait débourser de 300 à 600 millions en guise de dot. Selon un porte-parole du groupe, «Kering va assumer ses responsabilités d’actionnaire en participant au financement des investissements de modernisation des plateformes logistiques et informatiques et, vis-à-vis des salariés, en donnant au repreneur le moyen de financer […] les mesures sociales adaptées à la situation de chacun».
«Saborder». Hier, lors d’une deuxième manifestation en huit jours, environ 500 salariés de La Redoute ont défilé entre Wasquehal et Marcq-en-Barœul. Avant de connaître, sans doute vers la mi-novembre, le nom de son repreneur, le personnel réclame des garanties. «Il serait scandaleux que la famille Pinault puisse saborder une entreprise comme cela. Trop facile de faire un chèque au repreneur puis de s’en laver les mains !» dénonce Jean-Christophe Leroy. Outre l’absence de licenciements secs, la CGT réclame la mise en place d’un fonds de garantie des salaires sur dix ans, au cas où la reprise tournerait mal.
Dans une région aussi sinistrée que le Nord-Pas-de-Calais, frappé par 14% de chômage, cette énième réduction d’effectifs à La Redoute suscite déjà une forte mobilisation. Ce n’est que le début des manifestations à Roubaix…
Nathalie DUBOIS